Souvenirs d'une cheftaine guide dans les années 40 en Belgique

Cette section est dédiée à la douce mémoire de ma mère Françoise Gelders. Elle a écrit ses souvenirs de ses belles années passées dans le mouvement guide à Louvain en Belgique. Les dessins sont de ma tante Suzanne Moreau, qui était cheftaine en même temps que ma mère.

Souvenirs de Françoise Gelders
Photos du mouvement guide et scout dans les années 40 en Belgique, et aussi au Québec dans les années 60.
L'histoire de Chouette Brune, encore utilisée actuellement
Prières de la route

Souvenirs de Françoise Gelders

En deuxième primaire, je crois, je ne me souviens plus comment, j'appris l'existence des Claires Joies (une des nombreuses appellations des petites guides de Baden-Powell). J'ai demandé à Papa de faire partie du groupe. J'ai tout de suite aimé cette optique de la vie qui nous était présentée. Maman trouvait que toutes ces activités étaient trop garçonnières, mais j'ai persévéré, en accord avec Papa, dans ma sizaine à faire des petits plaisirs, à jouer physiquement un peu plus énergiquement qu'à la maison où je m'occupais plutôt des petits. J'ai été à plusieurs camps. Le système des pré requis à la promesse, à l'étoile d'argent et d'or ouvrait mes horizons, étant un peu trop naturellement orientée vers les tâches ménagères et le soin des plus jeunes. N'ayant pas trop le goût de la lecture, j'ai découvert des connaissances par le jeu et par le contact avec les autres Claire Joies.

En même temps que je suis entrée au secondaire, je suis passée des Claire Joies chez les guides. J'étais toujours aussi enthousiaste pour ce que j'appellerais aujourd'hui la philosophie éducative de Baden-Powell. Elle stimule la personnalité, encourage l'esprit d'initiative, apprend le respect des idées des autres et nous amène à conclure qu'il y a une grande joie à penser aux autres.. Je continuais à la maison ce que je faisais chez les guides. Une année, pour les grandes vacances, nous avons cousu ensemble des sacs à café de Colombie en jute pour dresser une grande tente de 4 X 5 m, avec l'aide de Papa. Nous remplissions d'autres sacs avec des boules de papier pour nous faire des matelas. Nous organisions des feux de camps avec chansons et saynètes. Les tiges sèches des petits soleils (rudbeckies) entourant le noyer nous servaient de flèches pour nos concours de tir à l'arc. Je me rappelle avoir harangué les plus jeunes sur la nécessité de se tenir en arrière du tireur à l'arc, laissant la cible bien visible.

Frères, súurs et cousines m'ont donné le totem de Chèvre complaisante, mais mon vrai totem guide est : Truite nature, où la truite représentait ma vivacité, et "nature", une qualité à acquérir : me départir d'un léger snobisme pour me rapprocher des vraies choses.

Au camp guide de l'été 1939, nous étions toutes rassemblées pour le souper quand le châtelain est arrivé affolé, annoncer la mobilisation de tous les réservistes de l'armée à cause de la menace hitlérienne. Après délibération, nos chefs ont décidé d'écourter le camp et de nous renvoyer chez nos parents. Sous l'occupation, la vie devait continuer, nous allions à l'école, nous aidions Papa au jardin et Tante Nana au ménage. Même les camps guides avaient lieu (même si les uniformes étaient interdits). Chacune apportait sa part de nourriture rationnée, parfois des timbres de rationnement, ou de vrais aliments. Un soir, à Nodebais, nous étions rassemblées autour d'un feu de camp quand la police militaire est arrivée, alertée par le feu (qui était suspecté d'être un signal pour les avions anglais). Notre aumônier, l'abbé Gosset,  a été emmené pour explications à la Kommandantur, tout s'est arrangé finalement, mais nous n'avons plus jamais fait de vrais feux aux camps le soir.

Plus tard, pour être acceptée comme routière, il fallait faire un grand hike : une journée, l'hiver, se débrouiller seule dans le bois, avec une unique allumette et quelques patates crues et autres choses à cuire sous la cendre. Nous avions aussi des épreuves techniques à faire, comme de l'orientation ou relever des empreintes avec du plâtre. Il fallait d'abord être routier (routière) pour être chef (cheftaine) dans d'autres groupes. La devise des routiers et routières était "Servir". Ayant suivi un jour un cours intéressant sur les communes en France, l'abbé Gosset m'a demandé de faire une conférence sur ce sujet pour les autres routiers et routières. C'est au moment où je suis devenue cheftaine que les Claires Joies ont changé de nom pour devenir des lutins. L'abbé Gosset avait écrit une histoire "Tilly chez les lutins" avec une chouette brune, la sage conseillère de son groupe, et cette histoire fut acceptée par la fédération pour devenir l'équivalent du "Livre de la jungle" des louveteaux. Nous avions fabriqué une grande chouette en tissu rembourrée d'environ 60 cm de haut, et les jeunes lutins allaient parfois se confier à cette chouette. Pour les garçons, les noms selon les groupes d'âge étaient les louveteaux, les scouts, puis les routiers.

Pendant des années, Suzanne et moi avons été cheftaines chez les lutins de la 2e Louvain. Nous avons été Chouette brune (Suzanne) et Houpral (moi). Il y avait trois ou quatre sizaines, possédant chacune un nom et une couleur : les rouges étaient les gnomes, les bleus les elfes, et les verts les farfadets. Nous revenions ensemble, Suzanne à bicyclette et moi à pied, de la rue des Joyeuses-Entrées à Louvain, jusqu'à Korbeek-Loo, et je notais toutes nos idées pour nos réunions du dimanche matin sur un calepin.

Les réunions commençaient par la devise ("De notre mieux"), la récitation de la loi ("Le petit lutin écoute le grand lutin et ne s'écoute pas lui-même") et une prière. Il y avait ensuite un moment où chaque sizaine faisait un jeu, un chant ou une autre activité supervisée par la sizenière. Ensuite, tout le groupe se remettait ensemble et on parlait des choses à acquérir pour se mériter une partie de l'étoile d'argent ou d'or. La réunion se terminait ensuite par une revue de la semaine où les sizenières faisaient un "rapport" sur les petits plaisirs (B.A.) faits par les lutins (dire si tout le monde en avait fait, donner les détails sur un petit plaisir particulièrement réussi, gentil ou original) et où on parlait d'événements de la semaine, tels qu'une rencontre avec des lutins d'une autre troupe. Enfin, une fois par mois, toute la 2e de Louvain se réunissait pour assister à une messe et où nous faisions aussi des jeux comme "Au fond de l'océan, les poissons sont assis", puis on pique-niquait en apportant notre lunch tous les groupes ensemble.

Pour obtenir l'étoile d'argent, il fallait chanter une chanson, savoir coudre un petit quelque chose, rattraper un ballon lancé sur un mur, avoir des notions d'hygiène personnelle, connaître la signification des couleurs du drapeau belge, savoir faire quelques núuds et lire l'heure et les chiffres romains. (Dessin de l'étoile d'argent)

Pour l'étoile d'or, il fallait connaître le sémaphore, faire rouler un cerceau avec un bâton, avoir des notions de secourisme, passer une épreuve de mémoire, savoir tricoter, savoir cuisiner un plat simple, chanter en chúur et connaître les points cardinaux. (Dessin de l'étoile d'or)

Pour la promesse, cela se faisait parfois lutins et guides réunies, et les parents étaient invités. Chaque lutin qui faisait sa promesse prêtait serment sur le drapeau de l'unité. L'uniforme des guides et des lutins était une robe brune avec un ceinturon et une cravate. Les lutins avaient un béret tandis que les guides portaient un chapeau rond avec une bordure. L'insigne de la promesse des lutins était une croix scoute (la croix de Jérusalem) alors que l'insigne des guides avait un trèfle au centre. Les sizenières portaient en plus deux bandes jaunes et les secondes une bande jaune.

Bien sûr, le moment fort de l'année était le camp d'été, qui durait généralement huit jours. Je me souviens d'un thème de camp : les Bogards (dessin de l'affiche pour ce camp). Il y avait des méchants lutins, les Bogards, représentant les défauts, et des gentils lutins qui symbolisaient des qualités. Dans les camps, nous couchions dans des bâtiments, mais les activités de la journée se faisaient en plein air ou sous tente (dessin d'un plan de camp, daté à l'endos de 1943). On y a fait aussi un jeu de nuit. Les jeunes aidaient pour les repas, par exemple en épluchant ou nettoyant les légumes, mais c'était des cuistots qui les préparaient sous des feuillées à l'extérieur. Les chefs allaient manger avec des sizaines différentes à chaque repas. À la fin d'un camp, les parents étaient parfois invités à partager notre repas. Voici le menu lors d'une telle occasion pour le camp ayant pour thème : "le beau travail".

J'ai suivi un cours de psychologie enfantine avec Lady B.P. aux alentours du moment où j'ai passé au Champ vert.
J'ai créé la section lutins au Champ vert, qui était une institution pour les orphelins, ainsi que pour des enfants retirés de leur famille par la cour et j'y ai été cheftaine. Parfois, en réprimande pour des frasques, le juge donnait malheureusement comme punition de ne pas assister aux réunions de lutins.

Lors d'un camp d'été, une des filles s'était accroché la jambe sur des branches, et s'est déchiré l'arrière du genou. Nous l'avons bandé, puis mis des attelles, pour ensuite l'amener à l'hôpital qui était proche, heureusement.
En quittant le Champ vert, une religieuse m'a dit : "Vous savez ce que vous faites en vous mariant. Vous en avez vu assez des enfants malheureux ici!". Je lui ai répondu que oui, je savais ce que je faisais! Ce sont mes súurs qui ont pris ma relève comme cheftaine au Champ vert jusqu'au moment où il a été fermé.

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Si cette petite page d'histoire vous a intéressé, en voici une autre :-).

Photos du mouvement guide et scout dans ces années-là

Guides : pyramide humaine  |  autour du drapeau belge  |  groupe
Mon père, Jean-Marie Moreau, a aussi fait longtemps partie du mouvement scout, en voici deux photos :
Hooghezeevaarders (routiers) : Mon papa et son chef de clan  |  Son groupe

Pour continuer cette petite page d'histoire, transportons-nous de l'autre côté de l'Atlantique : voici des photos des uniformes ici au Québec, dans les années soixante : Scout! Toujours prêt!  |  Louveteau et le scout précédent dans son costume de Viking pour son camp d'été...

L'histoire de Chouette Brune

Les lutins de Mons-lez-Liège utilisent cette histoire de Chouette Brune, traduite de "Girl Guiding" de B.P. et aimablement transmise par Chouette Brune (merci Gregory!).

Prières de la route

Prière du routier

Seigneur Jésus, qui nous donnez la vie
Marquez nos fronts du signe de votre croix
Donnez-nous de servir sans compter
Et de faire rayonner votre joie
Rendez-nous frères, nous qui faisons route ensemble
Pour ensemble vous trouver
Ainsi soit-il

Prière de la route

Seigneur Jésus, qui m'avez établie en marche vers le ciel,
Faites que la route, toujours à notre porte,
Soit une invite continuelle à servir.
Que son grand air et ses difficultés
Servent à la santé de mon corps,
Comme à l'équilibre de mon âme.
Qu'elle m'enseigne à prendre le temps comme il vient,
Les gens comme ils sont,
Et le Bon Dieu comme il veut.
Que sa longueur m'apprenne
Le jusqu'au bout des vies qui valent la peine d'être vécues.
Que ses carrefours me soient occasion de choisir,
À l'ombre des calvaires,
Ce qui est loyauté vraie, et vie abondante.
Je te demande, Seigneur,
À Vous qui êtes la Route,
La Vérité et la Vie,
Amen

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Pour m'écrire (Anne Moreau)